Selon vous, pour garantir l’épanouissement des millenials, l’entreprise doit-elle ajuster ses process ?

L’épanouissement des millenials est d’une certaine manière soumis aux mêmes lois que celui des générations antérieures. À une distinction près peut-être : les millenials ont – il me semble – besoin d’avancer vite, en étant intimement convaincus que tout est possible. Peut-être est-ce là le seul véritable apanage de la jeunesse : ce besoin de nourrir l’ambition, de viser toujours plus haut, plus vite, et d’être capable de tout donner pour y parvenir. Ce que l’on pourrait qualifier de « fougue » relève d’une véritable ambition qui se construit, s’auto-alimente en permanence, qui doit pouvoir s’exprimer et être prise en compte.

Le monde dans lequel nous vivons contribue à renforcer cette dynamique : l’émergence et le développement des nouvelles technologies ont clairement impacté notre manière de travailler et de nous projeter. De fait, il y a un plus grand besoin d’immédiateté. Si l’on schématise, ce qui par le passé était perçu comme le challenge d’une vie est désormais appréhendé comme étant le challenge des cinq prochaines années. Face à cela, le manager doit être en mesure de formuler une réponse claire : construire avec eux un plan de carrière, leur donner de la visibilité sur les postes qu’ils pourraient convoiter à court terme, et leur donner toutes les clés nécessaires pour se réaliser, avec pragmatisme et bienveillance. 
Cela nécessite également une certaine vigilance : s’il est primordial d’accompagner cette envie d’évoluer vite, il est pour autant crucial de les sensibiliser à l’importance de sécuriser leur avancée en consolidant leurs acquis, de prendre le temps lorsque cela s’avère nécessaire. À mon sens, les entreprises ont donc un véritable challenge managérial à relever pour fidéliser leur Talents.


A date, votre vision du management s’appuie sur votre expérience auprès d’une jeune équipe. 

Si demain vous étiez amenée à manager des collaborateurs plus expérimentés, procèderiez-vous de la même manière ?

 

Pour moi, la mission reste la même : être manager, c’est donner tous les outils à ses collaborateurs.rices pour qu’ils.elles puissent performer, tout en leur offrant  la possibilité de s’épanouir au quotidien. Les constantes sont pour moi les mêmes quels que soient l’âge et le niveau d’expérience des personnes que l’on manage, moyennant quelques ajustements minimes.
Aussi, je m’attacherais en premier lieu à instaurer un cadre précis, un certain nombre de règles et de process. Cela me paraît essentiel, quel que soit l’âge des collaborateurs que l’on manage. C’est d’ailleurs une démarche qui est probablement mieux perçue et mieux comprise par les profils plus expérimentés. Évoluer au sein d’un cadre, prendre en compte les feedbacks de leur manager : tout cela leur est familier. Lorsque l’on entre tout juste dans la vie active, tout est neuf : tant les missions qui nous sont confiées que le simple fait d’appartenir à une équipe et d’être managé. Je conserverai également mon approche humaniste : prendre le temps de m’intéresser aux collaborateur.rice.s, leur demander comment ils vont. Prendre en considération la personne que l’on a en face de soi, c’est la base de tout échange, quel qu’il soit. 

En revanche, je pense que j’aborderais la question de la communication différemment. J’ai le sentiment qu’un profil expérimenté sera plus prompt à remonter les difficultés qu’il rencontre, par exemple. Dans l’échange, cela va nous permettre d’aller plus rapidement droit au but pour trouver des solutions concrètes. A contrario, par manque d’expérience, un millenial aura souvent tendance à transmettre davantage d’informations : il aura moins de recul, son sens de l’analyse sera peut-être moins développé lorsqu’il s’agira de remonter une difficulté. Tout l’enjeu pour le manager est donc de faire le tri des informations qui lui sont transmises. Cela nécessite alors un travail d’investigation plus poussé pour identifier une éventuelle difficulté. 
J’y accorde d’ailleurs une attention toute particulière, afin que mes collaborateur.rice.s millenials puissent rapidement gagner en autonomie et identifier peu à peu ce qui les freine ou leur pose problème. Je crois que ce point de vigilance serait probablement moins marqué si j’avais à faire à des personnes plus expérimentées.

 

Vous êtes vous-même issue de la génération Y : qu’est-ce qui vous distingue d’un manager qui aurait davantage d’expérience ? 

Quels sont les challenges à relever et quel conseil donneriez-vous à un manager au profil similaire au vôtre ?

 

Pour ma part, avoir le même âge que les collaborateur.rice.s que je manage n’est pas nécessairement significatif, même si cela peut s’avérer être un atout dans certains cas de figure. J’ai pu en faire le constat : lorsque l’un.e d’entre eux rencontre un coup dur, qu’il soit d’ordre professionnel ou personnel, il me semble que notre proximité en âge facilite l’échange, favorise la liberté de parole. Dans le même temps, je m’aperçois également que la relation que je tisse avec mon équipe est en partie conditionnée par mon âge. S’ils me sollicitent régulièrement lorsqu’ils ont besoin d’une oreille attentive, d’un coup de boost, de solutions concrètes, ils s’adresseront volontiers à des collaborateur.rice.s plus expérimenté.e.s lorsqu’ils auront besoin d’un conseil, d’une certaine forme de sagesse. Même si je suis consciente qu’en employant ce terme je contribue à véhiculer un cliché, je le trouve assez juste finalement…
C’est cette pluralité d’échanges qui est intéressante au sein d’une entreprise, qui contribue à l’épanouissement de chacun et constitue une vraie richesse. J’en suis convaincue : privilégier la diversité de profils et de générations à l’embauche de nouveaux Talents est capital pour l’équilibre d’une entreprise et de ses équipes. Mais au-delà de la question générationnelle, je crois que l’empreinte que l’on laisse en tant que manager est davantage liée à notre état d’esprit et aux valeurs que l’on défend. C’est avant tout notre approche managériale qui importe. 

Lorsque l’on est amené à devenir manager, il faut toujours garder à l’esprit que la relation manager/managé se construit véritablement à deux. Dès qu’un déséquilibre est perçu dans la relation, la capacité réciproque à communiquer doit être mobilisée si l’on souhaite pointer ce qui pose problème et trouver ensemble des solutions. 
Lorsque la performance n’est pas au rendez-vous, il faut en premier lieu venir questionner cette relation. En tant que manager, impulse-t-on une dynamique dans la relation, est-on suffisamment à l’écoute ? En tant que managé, les questionnements sont les mêmes. L’équilibre de cette relation est fragile, et nécessite une attention de chaque instant, de toutes ses parties prenantes. C’est cette écoute mutuelle, cette fluidité dans la façon de communiquer, cette ouverture à l’autre qui permet de créer un climat de confiance. Et pour moi, instaurer cette confiance, c’est atteindre d’emblée 70% de sa mission en tant que manager. Que l’on manage des millenials… ou non !