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Recrutement des millenials : les entreprises doivent-elles ajuster leurs process RH ?
Selon l’INSEE, près de trois quarts des salariés seront des millenials en 2025. Le monde du travail s’interroge : qui sont ces millenials ? Quelles sont leurs attentes ? Est-il nécessaire d’ajuster ses process pour recruter, onboarder, manager les millenials ? Pourtant, les millenials sont bien loin d’appartenir à une espèce rare, et pour cause. « Génération Y », « millenials » : ces appellations désignent l’ensemble des personnes ayant aujourd’hui entre 20… et 40 ans ! De son côté, l’agence Les Nouveaux Héritiers n’a pas attendu 2025 : cela fait désormais plusieurs années qu’une partie de l’équipe est composée de millenials. Face au déferlement d’articles sur le sujet et aux fréquentes interrogations des entreprises avec lesquelles nous collaborons au quotidien, aborder la question des millenials et de leur rapport au travail s’imposait.
Pour ce faire, nous avons tout simplement eu envie de leur donner la parole afin qu’ils puissent partager leur regard sur le travail, les tendances du marché, et leur génération. Eyup Yuksek, Manager Recrutement & Intérim au sein de l’agence, a accepté d’ouvrir le bal… pour nous parler recrutement !
Les millenials sont de plus en plus présents sur le marché de l’emploi. Est-ce une tendance que vous observez en tant que recruteur de Talents au sein de l’agence Les Nouveaux Héritiers ?
Aujourd’hui, nous recevons effectivement davantage de candidatures issues de cette génération. Nous observons cette dynamique en recensant des profils via les jobs boards, ou lorsque l’on consulte les candidatures spontanées qui nous sont envoyées. Le nombre de candidatures issues des millenials croît sur l’ensemble des secteurs que nous couvrons. Cette tendance est d’autant plus marquée sur les fonctions tertiaires, supports et sièges. Les offres d’emploi liées – entre autres – au product management, au commerce et au digital sont largement plébiscitées par les millenials. Il est également intéressant de noter que cet afflux de candidatures émane majoritairement des grandes villes et de leur périphérie telles que Paris, Lyon ou Bordeaux.
Vous évoquez l’engouement des millenials pour des postes que nous pourrions qualifier de « nouveaux métiers » : product manager, growth hacker, content manager, business développer, etc. Selon vous, quelles en sont les raisons ?
Les Talents millenials avec qui nous échangeons ont – pour beaucoup – des parcours similaires : ils ont fait des études supérieures, ont décroché leur Master en école de commerce. Or, ces écoles font un vrai travail de sensibilisation à ces métiers et accompagnent leurs étudiants de manière à ce qu’ils acquièrent les compétences requises pour ces postes. Une fois sur le marché de l’emploi, ces Talents en devenir se dirigent donc plus naturellement vers ces métiers qui leurs sont familiers.
Par ailleurs, l’orientation professionnelle de tout un chacun est conditionnée par le contexte et les tendances du moment, l’univers dans lequel il évolue. Aujourd’hui, la transformation numérique est de mise pour toutes les entreprises, quel que soit leur secteur. La montée en puissance du tout numérique est d’autant plus marquée depuis l’arrivée de la COVID, la pratique du télétravail devient commune. En parallèle, même si ce ne sont pas des secteurs sur lesquels nous sommes engagés, on observe un intérêt croissant des millenials pour l’artisanat, les commerces de bouche ou encore l’hôtellerie. Il s’agit probablement ici d’une conséquence directe de la valorisation du patrimoine gastronomique français via des émissions comme Top Chef, ou encore l’envie de réinventer notre manière de consommer, de s’inscrire dans une logique éco-solidaire.
Selon moi, l’attractivité de ces métiers est liée à une combinaison de plusieurs facteurs : le type d’études réalisées, les appétences de chacun, les tendances observées… et les besoins qui s’expriment sur le marché de l’emploi !
Aujourd’hui, les millenials sont-ils susceptibles de retenir davantage votre attention, ou celle de vos clients ?
Les Nouveaux Héritiers prête une grande attention aux millenials. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les entreprises font appel à nous. Leur approche du travail, leur posture et leurs compétences diffèrent de celles de leurs aînés. Dans certains cas, le recrutement d’un millenial peut nous paraître plus pertinent, même si ce n’est pas un critère de sélection stricte que nous nous imposons, heureusement ! Mais il est effectivement intéressant de se pencher sur ce qui fait parfois la différence et leur permet de se démarquer des autres.
Je crois que leur capacité à s’adapter rapidement et leur polyvalence en font partie. D’expérience, nous observons que ces compétences sont quasiment natives chez les millenials. Cela s’explique selon moi de manière assez simple. La génération Y a grandi avec le digital, au fil de ses évolutions rapides et nombreuses. Intuitivement, tout au long de leurs apprentissages jusqu’à leur entrée dans la vie active, les millenials ont appris à s’ajuster au monde qui les entoure : un monde en constante évolution, un monde qui avance vite ! Dans le même temps, le marché de l’emploi a connu de profondes mutations, il est devenu plus compétitif. Par conséquent, les millenials ont dû adapter leurs attentes pour décupler leurs chances de trouver un emploi.
Cette faculté à s’adapter vite et à déployer de multiples compétences – le multi tasking – séduit beaucoup, car cela répond à la nouvelle réalité de beaucoup de métiers. Prenons l’exemple du métier de comptable : il y a quelques années, lorsque nous recrutions un comptable, nous recherchions un.e comptable fournisseur qui serait amené.e à prendre en charge des comptes spécifiques. Aujourd’hui, les missions attribuées au métier de comptable se sont diversifiées. Nous lui demandons de mettre en pratique ses compétences strictes en comptabilité, tout en sachant gérer les ERP par exemple. C’est précisément cette polyvalence qui est souvent recherchée par les recruteurs et les entreprises chez un millenial.
Si l’on suit votre raisonnement, les millenials ont donc toutes les chances de trouver un emploi. Qu’en est-il des autres ?
Dissipons tout malentendu : être millenial ne permet en aucun cas de disposer de privilèges innés, d’une sorte de sésame qui vous ouvrirait les portes de l’emploi. Qui plus est, le multi-tasking et la capacité à s’adapter ne sont pas l’apanage des millenials. Enfin, chaque opportunité requière un panel de compétences précises, un savoir-être, un degré de maturité, un bagage professionnel spécifique, qui s’acquièrent avec l’expérience. Aussi, certains postes se prêteront davantage au recrutement d’un profil plus expérimenté.
Au même titre que les millenials, les Talents issus des générations précédentes accèdent à des postes pertinents au regard de leur profil. Leur savoir-faire et leur expertise nous sont précieux, et répondent parfaitement aux besoins d’une équipe composée majoritairement de millenials par exemple. Et bien entendu, il va sans dire que c’est précisément la complémentarité de l’ensemble de ces profils, la diversité des compétences, d’approches et d’expériences qui font la richesse d’une équipe… et permettent de performer !
On prête régulièrement aux millenials tout un panel d’attentes qui leur serait spécifique. Selon vous, est-ce justifié ? Si tel est le cas, quelles sont les attentes majeures que vous observez ?
Il me semble que les millenials ont effectivement des attentes prononcées. Loin de moi l’idée de bâtir des clichés : il est certain que tous les millenials ne se reconnaîtront pas ici, mais en voici quelques-unes qui de mon point de vue me semblent assez représentatives.
En échangeant avec nos Talents millenials, j’observe fréquemment une forte préoccupation liée au sens, à la pertinence et à l’utilité de leurs missions, de leur rôle au sein de l’entreprise : « quelle est leur valeur ajoutée, leur impact sur l’entreprise, et plus globalement sur la société ? », « à quoi contribuent-ils ? » sont autant de questions qui conditionnent leurs choix professionnels. Intégrer une entreprise au sein de laquelle l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est préservé est également un critère déterminant. L’esprit de collégialité leur tient également à cœur : le fait d’être encadré.e et intégré.e au sein d’une équipe, de pouvoir tisser des liens forts avec leurs collègues est primordial. La confiance, l’investissement, la prise d’autonomie et les perspectives d’évolution sont également des facteurs clés pour une grande majorité d’entre eux.
Prendre en considération l’ensemble de ces attentes demande parfois aux entreprises des remaniements, de l’ajustement des horaires à la réinvention totale des méthodologies de travail et de management. Un sacré challenge… mais qui a le mérite, s’il est relevé, de booster l’attractivité de l’entreprise !
Est-il nécessaire pour les entreprises de réinventer leur process de recrutement pour répondre aux attentes des millenials ?
Pour moi, c’est primordial. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises souhaitent accélérer le recrutement de millenials. Pour faire la différence, l’entreprise a tout intérêt à adapter ses méthodes de recrutement.
La rapidité du processus de recrutement par exemple doit être garantie. Nous le constatons régulièrement : assez rapidement, les millenials avec qui nous échangeons ont besoin de sentir que l’entreprise leur fait confiance et croit en leur potentiel. Un trop grand nombre d’entretiens, un laps de temps trop long entre les différentes étapes de recrutement peuvent contribuer au désengagement d’un Talent.
De manière générale, l’instauration d’une relation de confiance est cruciale. Laisser transparaître la culture de l’entreprise dans le cadre des différents échanges, élargir la discussion pour découvrir la personne au-delà du Talent, organiser une rencontre avec l’équipe… Tout cela permet à l’entreprise de disposer de tous les éléments nécessaires pour s’assurer que ses potentiels Talents parviendront à s’intégrer rapidement, qu’ils seront épanouis. En parallèle, cela permet au Talent de se projeter dans l’entreprise et d’évaluer son degré d’adhésion à la culture d’entreprise, une donne cruciale pour débuter une collaboration durable.
L’idée selon laquelle les millenials – par définition – aiment changer régulièrement d’emploi est très répandue. Qu’en pensez-vous ? Est-ce un point de vue que vous partagez ?
C’est une idée très répandue en effet. Une idée qui, implicitement, nous pousse à penser que les millenials seraient moins engagés, plus versatiles, plus prompts à faire faux bond à leurs employeurs. Contrairement à ce que j’ai pu parfois entendre, les millennials ne sont pas des mercenaires. Leur approche du travail est tout simplement différente, moins carriériste peut-être ? Moi-même millenial, j’ai grandi avec l’idée selon laquelle réussir, faire carrière, était essentiel. En parallèle, j’ai aussi pris conscience cela impliquait – plus ou moins explicitement – de se donner entièrement au travail, voire de s’épuiser au travail… Au détriment du reste, et notamment de sa vie personnelle, familiale. Je crois que beaucoup de millenials ont cela à l’esprit et ont envie de briser cette dynamique. Plutôt que de viser la réussite financière, ils visent tant la réussite professionnelle que personnelle. Ils sont en quête d’une forme d’épanouissement, d’accomplissement global. Le maintien d’un bon équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, les valeurs de l’entreprise, une bonne entente au sein de l’équipe sont des facteurs décisifs.
Trouver une entreprise qui permet de se réaliser peut s’avérer fastidieux : le match parfait se fait parfois attendre, les besoins changent, s’affinent avec le temps, et peuvent donner lieu à plusieurs changements de poste successifs. Je reste convaincu que les millenials ne revendiquent pas la création d’un nouveau mode de vie qui reposerait sur le changement d’emploi régulier. Il s’agit davantage d’une conséquence de leur approche du travail, qui se distingue de celle qu’avaient les générations précédentes. S’épanouir au travail est devenu une priorité absolue, et c’est plutôt une bonne chose : exercer un travail qui nous plaît génère un engagement certain… autrement dit, c’est un pas de plus vers la performance !
En somme, qu’est-ce qui différencie selon vous la génération Y, les millenials des autres ? Quels conseils donneriez-vous aux entreprises qui souhaitent déployer leur attractivité auprès des millenials ?
Les millenials ont leurs codes, des attentes qui leur sont propres, à l’instar de chaque génération. Nous sommes empreints de ce que vous nous vivons, du contexte dans lequel nous grandissons, et chaque être humain se construit avec, en réaction à, l’univers dans lequel il évolue. La présence du digital a clairement impacté les modes de vie et de pensée des millenials, au même titre que la mondialisation de l’économie a marqué la génération qui précède. Et à vrai dire, peu importe.
Le conseil que j’aurais envie de donner est applicable quel que soit le profil du Talent que l’on souhaite recruter. Je crois qu’il faut simplement revenir aux bases : privilégier les échanges simples, transparents. Selon moi, le véritable enjeu pour les entreprises est surtout de parvenir à faire dialoguer les générations entre elles, afin qu’elles puissent se nourrir l’une et l’autre, et collaborer de manière fluide au sein de l’entreprise. C’est cette richesse de points de vue, d’approches, qu’il est nécessaire d’entretenir. Cela implique de prendre en considération les attentes de l’ensemble de ses futurs Talents. En adoptant une approche du recrutement humaine, en instaurant un climat de confiance immédiat, et pérenne.